En effet, il est très facile de rire de la photographie de Hiroshi Sugimoto. Avec ses carré gris, ses salles de cinéma sans images de film, ses photographies animalières sans animaux vivants et ses photos d’architecture floue. Ainsi il est possible d’ avoir une lecture simpliste, et de classer Hiroshi sous les termes péjoratif d’artiste. Mais encore le définir comme un personnage barré.
Or le personnage et son travail sont beaucoup plus complexes.
La Vie de Hiroshi Sugimoto
Hiroshi Sugimoto est né le 23 février 1948 à Tokyo. Il a grandi à Tokyo, où il s’est passionné pour la photographie dès son plus jeune âge. Il a commencé à prendre des photos dès l’école secondaire. Notamment en photographiant des films projetés au cinéma. D’ailleurs, c’est un sujet qu’il travaillera plus tard dans sa célèbre série « Theaters« .
En 1970, Hiroshi obtient un diplôme en sciences politique et sociologie à l’université Rikkyo de Tokyo. Mais son intérêt principal était déjà orienté vers l’art. Donc en 1974, il déménage aux États-Unis pour poursuivre ses études.
Études à Los Angeles
Une fois aux États-Unis, Hiroshi intègre l’Art Center College of Design. Une école prestigieuse à Pasadena, en Californie. Là, il se spécialise en photographie. Il suit une formation artistique rigoureuse, de sorte qu’il se familiarise avec les aspects techniques et conceptuels de la photographie. Cette école était connue pour son approche avant-gardiste. Elle encourageait les étudiants à explorer de nouvelles formes d’expression visuelle. Ainsi qu’à repousser les limites traditionnelles du médium photographique. L’environnement créatif de Los Angeles dans les années 1970, a profondément influencé Hiroshi. Car de nombreuses tendances artistiques se croisaient (art minimaliste, conceptuel, surréalisme, etc.).
C’est à l’Art Center qu’il a perfectionné ses compétences techniques. Notamment dans l’utilisation des appareils photo argentiques de grand format. Cette maîtrise technique est devenue un pilier de son esthétique, connue pour ses images d’une extrême précision et netteté.
Diplôme en photographie
En 1974, Hiroshi Sugimoto obtient son diplôme en photographie à l’Art Center College of Design. Son passage à Los Angeles et sa formation artistique l’ont préparé à devenir un photographe conceptuel. Il y développe une vision singulière du médium photographique. Son esthétique minimaliste et méditative deviendra centrale dans ses œuvres futures.
Après son diplôme, Hiroshi Sugimoto s’installe à New York. Cette décision marque le début de sa carrière professionnelle. New York, dans les années 1970, est une plaque tournante de l’art contemporain. Le minimalisme, l’art conceptuel et le postmodernisme y sont en plein essor. C’est là que Hiroshi réalise ses premières séries majeures, influencé par des artistes comme Donald Judd, Robert Ryman et Sol LeWitt.
Début dans la vie active à New York
À son arrivée à New York, Hiroshi se consacre entièrement à la photographie. Il explore des thèmes récurrents comme la perception, le temps et l’illusion. Il se fait rapidement connaître dans l’art contemporain. Hiroshi participe à diverses expositions collectives dans les galeries de la ville.
Hiroshi crée ses premières séries marquantes, « Dioramas » et « Theaters », qui établissent sa réputation internationale. Dans « Dioramas », il photographie des expositions de musées d’histoire naturelle, jouant sur l’illusion du réel. Ce travail questionne l’authenticité dans la représentation photographique. « Theaters » explore la relation entre le temps et l’image, capturant des salles de cinéma pendant toute la durée d’un film.
Son style unique allie la photographie noir et blanc traditionnelle à des réflexions philosophiques sur le temps. Cette approche lui permet de se démarquer dans le monde de l’art. Hiroshi transforme des sujets ordinaires en profondes méditations sur l’existence et la temporalité. Cela attire rapidement l’attention des critiques et des collectionneurs. C’est à cette période qu’il commence à exposer à New York et à l’international, notamment à la Sonnabend Gallery à Soho. Dès la fin des années 1970, Hiroshi devient une figure clé du mouvement conceptuel en photographie. Son style est à la fois visuellement impressionnant et intellectuellement stimulant.
Carrière et œuvres majeures
Après ses études, Hiroshi reste à New York, une ville essentielle pour le développement de son art. Il y explore la photographie dans un contexte conceptuel. Il est influencé par des artistes comme Marcel Duchamp, André Breton et les surréalistes.
Voici un extrait de ses séries.
1. « Dioramas » (1976-) :
L’une de ses premières séries notables, « Dioramas », montre des expositions de musées d’histoire naturelle. Ces scènes sont photographiées pour créer une illusion de réalité. Les images d’animaux ou d’humains figés dans des décors semblent incroyablement réalistes. Elles remettent pourtant en question la perception du vrai et du faux.
2. « Theaters » (1978-) :
Hiroshi commence la série « Theaters » en 1978. Il photographie des salles de cinéma et des théâtres aux États-Unis, laissant l’obturateur ouvert pendant toute la durée du film. Cette technique permet de capturer l’intégralité du film en une seule image. L’écran apparaît comme une surface lumineuse et pure, tandis que l’architecture et les sièges du théâtre restent figés dans le temps.
3. « Seascapes » (1980-) :
Dans cette série emblématique, Hiroshi photographie des horizons marins dans des endroits du monde entier. Les photos, souvent en noir et blanc, montrent la rencontre calme et minimaliste entre le ciel et la mer. Il cherche à capturer l’idée d’un paysage intemporel, immuable et constant, ce qui renforce le concept du temps et de l’éternité.
4. « Portraits » (1999-) :
Hiroshi a également photographié des statues de cire de personnages historiques célèbres au musée de Madame Tussauds et dans d’autres musées similaires. Avec un éclairage particulier et une attention aux détails, il donne à ces figures une apparence incroyablement réaliste, presque vivante.
5. « Conceptual Forms » (2005-)
Hiroshi photographie des modèles mathématiques anciens et des objets scientifiques abstraits. Cette série explore les formes géométriques pures et l’esthétique des objets qui incarnent des principes mathématiques.
Philosophie artistique
Le travail de Hiroshi Sugimoto interroge sur la perception du temps, de la réalité, et la mémoire collective. Dans chacune de ses séries, il explore l’idée de l’illusion et de l’impermanence. L’utilisation de la photographie analogique en noir et blanc dans une époque dominée par la couleur et le numérique renforce cette dimension intemporelle et réfléchie.
Il voit la photographie comme un outil permettant de révéler des vérités cachées et des subtilités invisibles à l’œil nu. Le temps est un des concepts centraux de son travail, qu’il cherche à figer ou à condenser dans une seule image. Par exemple, dans « Theaters« , il capture un film entier en une seule exposition, mettant en évidence la durée et le temps qui s’écoulent.
Diversification artistique
En plus de la photographie, Hiroshi Sugimoto est également impliqué dans l’architecture et le design. Il a créé plusieurs projets architecturaux, comme le Enoura Observatory à Odawara, au Japon, un complexe artistique et culturel qui mêle architecture, art contemporain et tradition japonaise.
Récompenses et reconnaissance
Hiroshi Sugimoto a reçu de nombreux prix tout au long de sa carrière, dont le prestigieux Hasselblad Award en 2001. Il a également exposé dans des musées et galeries du monde entier, notamment au Metropolitan Museum of Art à New York, au Museum of Contemporary Art à Chicago, et au Centre Pompidou à Paris. Ses œuvres font partie des collections permanentes de nombreux musées.
Influence et héritage
Hiroshi Sugimoto est souvent comparé à des maîtres modernes du minimalisme comme Donald Judd ou des artistes conceptuels comme Joseph Beuys, grâce à sa capacité à combiner l’esthétique et la pensée conceptuelle. Son œuvre influence grandement la photographie contemporaine par son exploration philosophique et technique de la lumière, du temps et de la réalité.
Sa capacité à créer des images à la fois méditatives et intellectuellement stimulantes le place dans une catégorie à part, dans le monde de l’art.